Radiohead en maître de musique
Festival-PUKKELPOP
auteur : Cédric Petit
Mis en ligne le 18/08/2006
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Première journée de festival au Kiewit, sans pluie mais marquée par les défections.Au bout d’un parcours jalonné d’étincelles, la lumière est venue de Radiohead.
LLB |
Crème solaire ou K-Way? Ou les deux? La question n’aura pas été tranchée ce jeudi, sur la plaine du Kiewit à Hasselt. De quoi favoriser les mélanges vestimentaires les plus aléatoires, qui, au final, font aussi partie de la saveur des festivals.
Sans Pete
Au rayon des défections, si l’annulation du concert de Régina Spektor est de celle qui en aura déçu plus d’un, l’absence des Babyshambles aura à peine étonné, l’organisation ayant un moment laissé croire que, programmé l’après-midi, le groupe de Pete Doherty se produirait en fin de soirée. C’était sans compter sur les ennuis judiciaires du chanteur héroïnomane, mis en examen jeudi pour possession de drogues.
Retenu de ce fait en Angleterre, il aura pu veiller, à l’aéroport d’Heathrow sur le matériel de Snow Patrol, qui se sera présenté à Hasselt avec deux guitares pour toute arme. Le culot et le charme discret de Gary Lightbody aura fait le reste. Une demi-heure durant, les Irlandais auront assuré le minimum dans un set acoustique courageux. Les quelques 45000 festivaliers présents n’auront pas eu à déplorer ces péripéties, excepté pour s’y retrouver dans un programme chamboulé. Sur la Main Stage, pourtant, ni Gomez, ni The Infadels (malgré une débauche d’énergie et une reprise de «Steady As She Goes» somme toutes assez vaines) n’auront tenu leurs rangs. Une chance: avec 7 scènes réparties sur le site, le Pukkelpop offre plus d’une échappatoire.
Sans rien inventer, et en pillant même tout ce qu’ils peuvent au Clash, les British de Dead 60′ ont fait monter la température du Club, avec une hargne urbaine qui n’est pas sans rappeler celle d’Hard-Fi à Werchter. Punk, reggae, ska en flux tendu; la foule aura mordu à l’hameçon. Toujours prompte à s’emballer, elle aura fait de même en compagnie de José Gonzales, dans le Marquee. Aussi Suédois que son nom ne le laisse pas deviner, celui-ci fait partie de cette race de musiciens capable de tout bouleverser avec une guitare.
Accélération temporelle
Il n’est alors que 18h30 et pour beaucoup, la longue attente avant le concert phare du jour – Radiohead – ne fait que commencer. Sans s’éloigner trop de la Main Stage, on promène ses guêtres. Et la fraîcheur dégagée par les Magic Numbers retient bien d’aller beaucoup plus loin. L’effet «grande scène» paraît ne guère influer sur le moral du groupe, ni sur sa pop souriante («Forever Lost»), pleine de choeur en «hou-hou-hou ». En vrac, ensuite, parce qu’avec le jour qui tombe, le temps semble s’accélérer, on passe des envolées lyriques électro de Zero 7 aux incartades guitaristiques et héroïques de My Morning Jacket. Auxquelles manquait sans doute ce jeudi le petit brin de chaleur qui aurait fait la différence.
Encore que… Beck aura démontré, par l’absurde, que les concerts trop bien emballés ne font pas les plus beaux cadeaux. Aussi plaisant soit son concept de théâtre de marionnettes livrant une copie miniaturisée (et filmée en gros plan) du concert, cela n’aura guère sauvé son heure de spectacle, musicalement anodin (avec les rares éclairs «Black Tambourine» et «Devil’s Haircut»). Si mise en abyme il y avait, sans doute était-ce pour souligner combien tout cela tenait de la pure farce.
Amusante? La question n’en aura plus taraudé beaucoup aux alentours de deux heures du matin, heure à laquelle Radiohead réglait la note de la soirée. Si la perfection musicale existe, le Pukkelpop en aura savouré un morceau de choix. Alors que Thom Yorke est sur toutes les platines avec son album électro, le groupe a présenté un profil uni. Premiers éclats: «Airbag», «National Anthem», «There There», trois morceaux piochés dans les trois albums que le groupe va parcourir en tous sens. Entêtante («The Gloaming»), enivrante («Exit Music»), enfantine (le nouveau «Nude»), la voix de Yorke confine au vertige. Mais derrière la beauté à couper le souffle, la construction musicale des morceaux fascine, en beats, en samples, en riff de guitares acérés. «Everything in its right place»… Avec Radiohead au sommet, effectivement.
© La Libre Belgique 2006
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