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Radiohead s’explique sur son disque téléchargeable au prix fixé par l’acheteur

le monde, 19 décembre 2007

Le groupe britannique de rock Radiohead avait beaucoup fait parler de lui en annonçant que leur dernier disque, In Rainbows, serait proposé en téléchargement sur Internet, à partir du 10 octobre, à un prix fixé par l’acheteur. Celui-ci pouvait même décider de ne rien payer en dehors de 45 pence (0,68 euro) de frais fixes.
Nous avons rencontré le chanteur Thom Yorke et le guitariste Ed O’Brien, à Paris le 5 décembre, pour faire le point sur l’opération. Succès ou non ? Trop tôt pour donner des chiffres, répond Ed O’Brien, sans convaincre. "Nos statisticiens y travaillent (rires). On a lu des articles contradictoires. L’un dit que nous avons perdu beaucoup d’argent, l’autre que nous avons gagné des millions et qu’il faut arrêter de nous donner de l’argent. Aucun des deux n’est vrai."

Selon des estimations de la presse britannique et américaine, s’appuyant sur des études de sites spécialisés ou sur des forums de fans, 1 million à 1,5 million de personnes auraient téléchargé l’album dans la semaine qui a suivi la mise en ligne. Entre 40 % et 60 % des téléchargeurs auraient décidé de ne rien donner. Les autres, pour la plupart de Grande-Bretagne et des Etats-Unis, un peu d’Allemagne et de France, auraient déboursé 5 euros en moyenne. Ce qui donne une somme avoisinant les 5 millions d’euros (frais fixes compris) – chiffre à prendre avec précaution.

"L’opération nous sera favorable, admet Thom Yorke. Nous ne possédions pas auparavant les droits digitaux de notre musique et nous touchions environ 1 livre (1,4 euro) par album vendu. Là, nous percevons la totalité de la somme." Déduction faite des coûts de création et de maintenance du site, domaine dans lequel Radiohead a déjà une bonne expertise.

"GARDER LE CONTRÔLE"

Thom Yorke précise que l’idée du téléchargement est venue des managers du groupe : "Tous les disques que nous avons sortis ces dernières années ont été piratés et mis sur la Toile avant leur parution. Donc pourquoi ne pas le faire nous-mêmes ? De cette façon on en gardait le contrôle et tout le monde pouvait l’écouter le même jour."

Radiohead ajoute que leurs managers ne voulaient même pas sortir un CD. "Mais ça ne nous convenait pas, car ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas utiliser Internet auraient été disqualifiés." Aussi, dans la foulée de l’opération téléchargement, terminée le 10 décembre, le CD In Rainbows sera disponible à partir du 31 décembre, publié par la compagnie indépendante XL (distribuée en France par Naïve). Ajoutons, depuis le 3 décembre, un coffret collector vendu par correspondance au prix de 40 livres (56 euros, plus les frais de port variant selon le pays).

La presse a voulu voir dans le geste numérique de Radiohead – pas nouveau mais rare pour un nom aussi connu – un pied de nez à leur ancienne maison de disques, la major EMI, dont le contrat a été stoppé en 2004. "La seule raison de (re)signer avec une major aurait été de récupérer un maximum d’argent. Cela n’a jamais été une motivation suffisante", précise Ed O’Brien.

Une grosse maison de disques ne leur convient plus. "Un point positif de cette histoire de téléchargement est que cela implique une équipe de dix personnes, nous inclus, explique Yorke. Une fois l’album quasiment terminé, nous avons pris un grand plaisir à réfléchir aux conditions de sa sortie. Le téléchargement permet une connexion plus directe avec les gens et d’avoir la satisfaction de finir quelque chose et de le rendre disponible dans l’instant."

Même gratuit, In Rainbows s’est retrouvé illico sur les réseaux de partage de fichiers. A minuit, le 10 octobre, en quelques clics de souris la préinscription au site inrainbows.com permettait de télécharger les dix titres compressés, sans visuel. Cinq minutes plus tard, les mêmes titres se promenaient sur les plus populaires des sites de partage. Avec images piratées lors de concerts, la plupart ayant été joués en tournée.

"Lors de la dernière tournée, ajoute Yorke, l’un des trucs qui m’excitait le plus était de voir sur Internet les images des nouveaux morceaux captées par le public sur téléphone mobile et diffusées une heure après le show. Cela me rappelait la façon dont Peter Buck, de R.E.M., soutenait l’édition des disques pirates des concerts de son groupe, pensant que cela répandrait un peu plus leur popularité."

A propos du coffret, en revanche, mystère. Sur le site de commande de l’objet – une version vinyle de l’album, un épais livret, deux CD dont un avec huit titres en plus -, il est précisé que les paquets partiront à partir du 3 décembre. Avec ce voeu, en anglais : "Nous ferons tout notre possible pour envoyer l’objet avant Noël, mais sans garantie."

"BESOIN D’UN ARTEFACT"

Radiohead a été soupçonné d’avoir lancé le téléchargement à prix libre d’InRainbows comme produit d’appel pour les commandes du coffret. Voire du CD simple bientôt diffusé en magasins. "On peut voir les choses de plusieurs façons, mais, franchement, le cynisme nous est étranger", rétorque Yorke.

Le groupe a encore été critiqué pour la moindre qualité du son en fichier MP3 et l’absence de visuel. Un paradoxe pour un groupe réputé pour le soin porté à ses enregistrements et à son identité graphique. "Le MP3 est évidemment inférieur à la qualité d’un CD, reconnaît Thom Yorke, qui admet trouver peu satisfaisante la version Internet de l’album. Quant à l’objet CD, je pense qu’on aura toujours besoin d’un artefact, même si la forme, le design, l’écologie même de ces supports sont appelés à évoluer."

Stéphane Davet (entretien) et Sylvain Siclier

Article paru dans l’édition du 19.12.07.

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Amatrice du groupe, surtout en concert. Travaille sur ce site depuis 10 ans.

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