Rolling Stone 3: Où Jonny avoue qu’il est un bidouilleur fou et que Clive Deamer est le sauveur de TKOL
3e partie de cette longue interview que le NME a rêvée en vain et que Rolling Stone a réalisée au long court : et on comprend qu’il s’en est fallu d’un cheveu que Thom entraîne tout le monde dans TKOL2 !
Un chaud après-midi à New York, la veille du 1er concert au Roseland, Yorke –entre deux gorgées de thé dans un hôtel du centre- se remémore ses vendredis soirs à l’Université, quand il officiait comme DJ pendant qu’il faisait sa licence d’Art à Exeter. RH n’était qu’une occupation à temps partiel, ils écrivaient alors des chansons et faisaient des démos sous leur nom d’origine, On A Friday, pendant les vacances universitaires.
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« J’étais pas très bon, dit Yorke à propos de ses compétences de DJ, surtout parce que les gens me payaient des verres pour que je passe ce qu’ils voulaient. A la fin de la nuit, je n’arrivais plus à voir les disques. »
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Yorke se souvient d’avoir mixé des morceaux d’un duo belge, Cubic 22, du trio anglais 808 State, avec du grunge de Seattle à ses débuts. Il aimait particulièrement la manière dont les groupes de Manchester comme les Happy Mondays et les Stone and Roses fusionnaient le psychédélisme des sixties et la culture rave anglaise.
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« Et puis tout s’est arrêté », se plaint Yorke. Soudain les guitares étaient devenues la vraie solution. On a fait partie de cette mouvance. »
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Depuis OKC, Yorke a lutté avec opiniâtreté pour augmenter la distance entre son groupe et les arrangements rock traditionnels ainsi qu’avec la manière de faire des disques.
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« Je parlais tout le temps de ça quand on faisait IR, dit-il. C’était vraiment frustrant parce qu’on faisait tout l’opposé. »
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TKOL est le rêve du DJ Thom devenu réalité : les fondamentaux du rock intégralement transformés par l’électronique. La batterie, la basse et les parties de guitares sont des samples joués individuellement par les membres du groupe puis manipulés, enregistrés en boucles et en couches dans des morceaux construits sur les mélodies rêveuses de Yorke et ses paroles en forme de haïkus. « Lotus Flower », « Codex » ou « GUTG » vacillent et vibrent plus comme des suggestions que comme des chansons, murmures exotiques pas pressés de devenir de grandes déclarations.
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« Je comprends pourquoi les gens se sentent exclus de ça » dit Yorke aujourd’hui de l’album, « je n’avais pas vu que l’album constituait son propre univers. »
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« Nous ne voulions pas prendre les guitares et écrire des suites d’accords »
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ajoute Jonny, assis dans un café londonien près des studios d’Abbey Road, là où RH a enregistré certaines parties de leur 2e album, the Bends. « On ne voulait pas s’asseoir devant un ordinateur non plus. On voulait une 3e voie, qui incluait de jouer et de programmer en même temps. » Ce fut une longue traque : RH travailla à TKOL, par touches, de mai 2009 à janvier 2011.
Grand et timide, constamment en train d’écarter une longue frange de cheveux noirs de son visage, Jonny est le seul membre de RH à ne pas être diplômé, il quitta ses études de psycho et de musique à l’Institut polytechnique d’Oxford lorsque le groupe obtint son contrat en 1991. Mais c’est sans conteste le musicien le plus chevronné de RH : altiste classique, il joue aussi du violon, du violoncelle et des claviers. J. a aussi créé le programme utilisé pour échantillonner les instruments sur TKOL.
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« Je n’ai jamais été plus heureux que lorsque je jouais, enfant, dans ma chambre, à de stupides jeux vidéo. Le mur de briques auquel on a été confrontés, ajoute-t-il en revenant à l’album, c’était quand on savait qu’on tenait quelque chose de vraiment bien, comme « Bloom », mais qui restait inachevé. On savait que la chanson était proche du but. Alors Colin ajoutait une ligne de basse et Thom commençait à chanter. Et là , ça devenait 100 fois meilleur. Le reste était juste là à attendre que ça arrive. »
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« Contrairement à d’autres groupes en studio, dit Goldrich qui a travaillé avec eux sur chaque album depuis the Bends, ils ne pourraient pas enregistrer « Bohemian Rhapsody » parce qu’ils ne peuvent pas se concentrer longtemps. Si ça n’arrive pas tout de suite, Thom est perturbé. Ce n’est pas sa manière de fonctionner. »
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Goldrich cite un classique de RH qui n’a jamais été terminé, « True Love Waits », une ballade très populaire en concert :
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« on a essayé de l’enregistrer un nombre incalculable de fois, mais ça n’a jamais marché. Ironiquement, il y a cette malheureuse version live [sur le mini-album de 2001 I might be wrong]. Au crédit de Thom, il a besoin de sentir qu’une chanson est validée, qu’il y a une raison pour qu’elle soit enregistrée. On pourrait faire TLW qui sonnerait comme du John Mayer. Mais personne ne veut faire ça. »
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RH n’a pas fait la promo de TKOL avec une grande tournée l’année dernière pour 2 raisons. Un : « on pensait que c’était injouable » dit Jonny. L’autre « était en partie de ma faute », reconnaît Yorke. L’album « comportait tellement de possibilités bizarres ! ». Il voulait retourner en studio, puis finalement décida « de ne pas continuer dans la même veine. On ne pouvait pas le faire, on ne pouvait pas le jouer live, alors quoi merde ? » Deamer (51 ans), un vétéran du jazz et de la dance music, qui a accompagné Robert Plant également, fut la réponse.
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« J’ai toujours aimé sa manière de jouer » dit Selway. Il semblait être la personne vers qui se tourner le plus naturellement. ».
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Au début de 2011, ils commencèrent à disséquer tous les deux les nouvelles chansons et décidèrent quelles parties de percussion ils pouvaient en pratique faire live. Un an plus tard, Selway répond au téléphone depuis Oxford après le dernier jour de répétition de RH :
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« tout est ouvert », déclare enthousiaste le batteur de sa voix douce de gentleman. « Voir que la dynamique entre nous six a porté ses fruits, c’est que nous avons déclenché quelque chose. Beaucoup de groupes à ce niveau n’ont pas cette opportunité. Ou bien ils la manquent quand elle vient. »
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Mais, dit Yorke,
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« on ne serait jamais arrivé là où nous sommes maintenant, live, si nous étions restés assis devant nos platines et nos échantillonneurs, construisant l’album par morceaux avec cette méthode. Cela n’aurait jamais débouché sur cette dynamique. »
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Quand on lui demande quelles chansons de TKOL ont le plus changé live, Yorke mentionne Lotus Flower :
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« avec deux batteurs, c’est soudain devenu malsain et j’aime assez ça. »
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Et il est d’accord pour dire que GUTG –une ballade sobre et répétitive sur l’album- est devenue autre chose au Roseland : une prière circulaire retentissante pendant que Jonny échantillonne et manipule la voix de Yorke en direct.
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« Vous échantillonnez aussi ce que le micro capte de l’extérieur », explique le chanteur. « Cela remet de l’espace, encore et encore, et encore, et ça finit par résonner comme dans une arène »,
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les yeux de Yorke s’agrandissent de plaisir.
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« J’avais oublié ça. C’est vraiment quelque chose. »
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