Tour Operator
juin 2000, Magic #42
Par Christophe Basterra, Photos de Robins
Sans aucun nouveau disque à promouvoir, Radiohead, ce groupe qui décidément ne fait rien comme les autres, se paye le luxe d’une mini- tournée française, comme de bien entendu à guichets fermés, et annonce deux concerts parisiens exceptionnels, les 19 et 20 septembre prochains, sous un chapiteau dressé au pied du Stade de France. Alors que le tant attendu quatrième album est pour ainsi dire achevé, retour sur les campagnes françaises menées victorieusement par Thom Yorke, Ed O’brien, Jonny et Colin Greenwood, et Phil Selway en compagnie de leur "éternel" promoteur, Hilda, fondatrice de Traffic Restreint et coorganisatrice des défuntes Black Sessions.
"J’ai découvert Radiohead grâce à leur tour manager, Tim, que je connaissais pour avoir travaillé avec lui le temps d’un concert des Corn Dollies à la Locomotive (ndlr: salle où Hilda organisait un concert hebdomadaire au tout début des années 90). On s’était bien entendu et l’on était resté en contact. Il m’avait envoyé une cassette du premier EP. J’ai complètement craqué dessus et il m’a mis en contact avec l’agent anglais, Charly. Mais ce dernier ne me répondait jamais parce qu’il essayait de refourguer le groupe à tout le monde! (Sourire) Moi, je débutais juste comme promoteur. Heureusement, les autres ont refusé… Au final, en désespoir de cause, il a dû se tourner vers moi! Quand j’ai passé la cassette à Lenoir, lui aussi a tout de suite adoré, et l’on a décidé d’organiser logiquement une Black Session à la sortie de Pablo Honey en février 93. C’était leur tout premier concert à l’étranger en fait. Puis, j’ai monté une tournée au mois de juin. on a galéré, bien sûr, mais comme lorsque tu sors un premier album qui n’intéresse pas grand monde. Dans la presse nationale, tout le monde crachait dessus, mais le disque a quand même reçu un excellent accueil dans les médias locaux, radios ou presse écrite. Comme le label en France était débordé et qu’il voyait que j’étais vraiment motivée, il m’avait confié la promo… Les vendeurs des Fnacs étaient aussi très réceptifs. On faisait des showcases un peu partout, Thom et Jonny en acoustique, chose que plus personne ne reverra jamais à mon avis… On a dû faire de cinquante à cent personnes par date, mais c’était du délire total, les mecs connaissaient les paroles par cœur. On avait dû organiser sept ou huit concerts, ce qui n’était pas mal. Celui dont le groupe me reparle encore avait eu lieu dans un petit cinéma, à Maxéville, en banlieue de Nancy. Tu traversais la rue et il y avait une crèche qui servait de loge… (Sourire). Il y avait une centaine de personnes, mais l’accueil fut incroyable. Ils sont retournés faire leur rappel alors qu’ils n’avaient pas du tout prévu vu la faible assistance. Ce jour-là, Jonny avait découvert les joies de la laverie automatique et il avait fait déteindre tout le linge du groupe! C’était presque la première fois que les frères Greenwood quittaient leur mère! Comme on travaillait avec un petit budget et qu’ils sont végétariens, on a mangé tous les soirs du couscous. On avait rebaptisé la tournée Rock The Casbah (Rires). En tout cas, c’est grâce à cette première tournée qu’on a la chance d’avoir plus de dates que n’importe quel pays européen, qu’on est mieux traité, qu’on passe avant les autres.
COUTUMES
Ensuite, à l’automne, je m’étais battue pour les imposer en première partie de James, un groupe que je connaissais pour l’avoir fait jouer à la Loco. Et je m’en suis mordue les doigts. Il y a eu un tel manque de respect. Par exemple, à Toulouse, les billets indiquaient une heure d’ouverture des portes et le groupe était censé monter sur scène avant! Au Casino de Paris, j’ai pratiquement dû me mettre à genoux pour que l’on puisse faire une balance de cinq minutes. Maintenant, une nouvelle fois, le peu de gens qui les ont vus alors ont pris une grosse claque. En tout cas, Radiohead ne s’est jamais formalisé de ce traitement. Les Anglais ont un truc exceptionnel, c’est ce respect des us et coutumes… Quand tu es invité par un autre artiste en tournée, tu te plies aux conditions, quelles qu’elles soient. Pour eux, s’il n’y avait pas le temps de faire une balance, c’était normal, juste la règle du jeu. En revanche, eux ont toujours fait en sorte que leurs premières parties puissent jouer dans des conditions décentes. Et ça, à priori, il n’y a que les groupes qui ont morflé avant qui le font. (Sourire) En octobre 95, le groupe est revenu, quelques mois après la sortie de The Bends. C’est là que se produit le tournant. On organise cinq dates, dont celle du Café de La Danse à Paris. Là, il y a eu mauvaise interprétation de ma part de ce que Radiohead pouvait susciter. Mais, on est passé d’un Passage du Nord-Ouest vide, ou rempli par ma famille et mes amis, à un Café De La Danse archicomplet. C’est pour ça qu’ils ont été obligés de revenir sur La Cigale en avril 96, juste après une tournée américaine, puis sur le Bataclan, quelques semaines plus tard. Ces deux dates ont été complètes en un rien de temps… (Sourire.) Maitenant, le show de la Cigale peut être aussi considéré comme un tournant car c’est vraiment un concert exceptionnel.
Ensuite, à l’automne, je m’étais battue pour les imposer en première partie de James, un groupe que je connaissais pour l’avoir fait jouer à la Loco. Et je m’en suis mordue les doigts. Il y a eu un tel manque de respect. Par exemple, à Toulouse, les billets indiquaient une heure d’ouverture des portes et le groupe était censé monter sur scène avant! Au Casino de Paris, j’ai pratiquement dû me mettre à genoux pour que l’on puisse faire une balance de cinq minutes. Maintenant, une nouvelle fois, le peu de gens qui les ont vus alors ont pris une grosse claque. En tout cas, Radiohead ne s’est jamais formalisé de ce traitement. Les Anglais ont un truc exceptionnel, c’est ce respect des us et coutumes… Quand tu es invité par un autre artiste en tournée, tu te plies aux conditions, quelles qu’elles soient. Pour eux, s’il n’y avait pas le temps de faire une balance, c’était normal, juste la règle du jeu. En revanche, eux ont toujours fait en sorte que leurs premières parties puissent jouer dans des conditions décentes. Et ça, à priori, il n’y a que les groupes qui ont morflé avant qui le font. (Sourire) En octobre 95, le groupe est revenu, quelques mois après la sortie de The Bends. C’est là que se produit le tournant. On organise cinq dates, dont celle du Café de La Danse à Paris. Là, il y a eu mauvaise interprétation de ma part de ce que Radiohead pouvait susciter. Mais, on est passé d’un Passage du Nord-Ouest vide, ou rempli par ma famille et mes amis, à un Café De La Danse archicomplet. C’est pour ça qu’ils ont été obligés de revenir sur La Cigale en avril 96, juste après une tournée américaine, puis sur le Bataclan, quelques semaines plus tard. Ces deux dates ont été complètes en un rien de temps… (Sourire.) Maitenant, le show de la Cigale peut être aussi considéré comme un tournant car c’est vraiment un concert exceptionnel.
FIERTE
Le Zénith de 1997 reste, pour le groupe comme pour moi, le premier "gros" événement en Europe. L’Angleterre mise à part, la France reste le marché le plus important pour Radiohead. Je me souviens avoir beaucoup pleuré…(Sourire.) J’ai une image précise qui est vachement prétentieuse et égoïste, celle de Thom Yorke qui me dédie une chanson. Bien sûr, il l’avait souvent fait, mais là… Il y a quand même des enjeux et ce mec, qui a trente mille trucs à penser, prend la peine de me dédier un morceau. C’est quand même hallucinant. Là, c’est vrai, il y a un petit côté fierté, que je n’ai pas eu à Bercy lors de la manifestation Amnesty International puisque c’est un autre promoteur qui était en charge de l’événement… Mais il y a eu un fantastique accueil de la part du public. Et tous les autres artistes présents ont regardé le concert sur le côté de la scène, il n’y avait plus personne dans les loges. On l’avait quand même échappé belle parce que, au départ, la campagne promo était vraiment minable. Et puis, il y a certains partenariats que je ne comprenais pas trop. Comme les billets ne se vendaient pas, malgré la beauté du projet, le management du groupe a décidé d’annoncer que le groupe faisait un vrai concert et le promoteur a sorti des affiches 4 par 3 dans tout Paris… Les Radiohead sont des gens très normaux, et nettement moins bas du front que la plupart des groupes que tu peux croiser… (Sourire). Je sais, ils ont cette image "cérébrale" mais ils ont juste envie de se protéger… Ils n’aiment pas parler de leur vie privée, mais à partir du moment où ils revoient les mêmes têtes, quand ils savent qu’ils peuvent te faire confiance, il n’y a aucun problème. Ils ont une loyauté extraordinaire. Depuis les débuts, c’est la même équipe quand même : le même tour manager, le même management, le même agent, le même sonorisateur, le même éclairagiste… Je ne sais pas si c’est de la chance ou de l’exigence, mais ils ont toujours été entourés par des gens de qualité et qui ont su évoluer avec eux… C’est la même équipe que sur la première date que j’ai faite avec eux! Bien sûr, vu la dimension que le groupe a prise, il y a des gens en plus. D’ailleurs, les problèmes, maintenant, c’est qu’ils ont un entourage démentiel et je ne suis pas sûre que ça leur va bien. Parce qu’il y a une différence entre protéger ton artiste et en faire des Rolling Stones. Et, à mon avis, s’ils apprenaient certaines choses, ils seraient anéantis, ils le vivraient très mal.
CHAPITEAU
Le nouveau concept de Radiohead, par rapport aux concerts, c’est de les considérer comme des événements à part entière et pas uniquement des supports pour la sortie d’un nouvel album. Pour cette tournée de théâtres antiques, c’est une demande que j’avais faite déjà en 1996. Ensuite, il y aura deux soirées sous un chapiteau qui peut accueillir 10 000 personnes, à Paris, les 19 et 20 Septembre. Ils vont bien sûr jouer des nouveaux morceaux, peut- être un tiers du set… J’ai écouté deux ou trois titres du nouvel album. Eh oui, c’est fantastique. (Sourire.) En tout cas, j’ai toujours cru dans Radiohead, sans savoir qu’ils arriveraient si haut. Tout comme je crois dans Gomez aujourd’hui, qui est vraiment un groupe dont tout le monde se fout… Mais ça prendra le temps que ça prendra. C’est exactement ce qu’on a toujours dit pour Radiohead, que je préfère sur scène. Quand tu les as vus, au début, tu te dis tout de suite maximum respect. J’aimais bien Pablo Honey, mais je les préférais déjà en concert…"
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